Le Dialogue, 18 (trad. Hurtaud, p. 69 rev.)
« Même vos cheveux sont tous comptés »
[Sainte Catherine a entendu Dieu lui dire] : « Nul ne peut s'échapper de mes mains. Car je suis Celui qui suis (Ex 3,14) et vous, vous n'êtes pas par vous-mêmes ; vous n'êtes qu'autant que vous êtes faits par moi. Je suis le créateur de toutes les choses qui participent de l'être, mais non du péché, qui n'est pas, et donc qui n'a pas été fait par moi. Et parce qu'il n'est pas en moi, il n'est pas digne d'être aimé. La créature ne m'offense que parce qu'elle aime ce qu'elle ne doit pas aimer, le péché... Il est impossible aux hommes de sortir de moi ; ou bien ils demeurent en moi sous l'étreinte de la justice qui sanctionne leurs fautes, ou bien ils demeurent en moi gardés par ma miséricorde. Ouvre donc l'œil de ton intelligence et regarde ma main ; tu verras que c'est la vérité que je te dis. »
Alors, ouvrant l'œil de l'esprit pour obéir au Père qui est si grand, je voyais l'univers entier enfermé dans cette main divine. Et Dieu me disait : « Ma fille, vois maintenant et sache que nul ne peut m'échapper. Tous ici sont tenus par la justice ou par la miséricorde, parce qu'ils sont à moi, créés par moi, et je les aime infiniment. Quelle que soit leur malice, je leur ferai donc miséricorde à cause de mes serviteurs ; j'exaucerai la demande que tu m'as présentée avec tant d'amour et de douleur »...
Alors mon âme, comme en ivresse et hors d'elle-même, dans l'ardeur de plus en plus grand de son désir, se sentait à la fois bienheureuse et douloureuse. Bienheureuse par l'union qu'elle avait eue avec Dieu, goûtant sa joie et sa bonté, tout immergée dans sa miséricorde. Douloureuse, en voyant offensé une si grande bonté.
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