Avant de prendre ma plume, je me suis agenouillée devant la statue de Marie: celle qui a donné à ma famille tant de preuves des maternelles préférences de la Reine du ciel ; je l'ai suppliée de guider ma main, afin de ne pas tracer une seule ligne qui ne lui soit agréable............

Comme le dit saint Paul:" Dieu a pitié de qui il veut, et il fait miséricorde à qui il veut faire miséricorde. Ce n'est donc pas l'ouvrage de celui qui veut , ni de celui qui court , mais de Dieu qui fait miséricorde." Thérèse de l'Enfant Jésus

mercredi 3 avril 2013

L'attachement préalable à Jésus Sauveur


Je crois que , rarement dans l'histoire du monde , l'homme a , à ce point , perdu le sens de Dieu ou plus exactement le sens d'un Dieu personnel et vivant , transcendant à tout le créé .
C'est à travers l'homme ou l'évolution du monde qu'on semble chercher l'absolu de la divinité , quand on ne le réduit pas à n'être que le devenir même du monde .
Ce climat influe sur la mentalité profonde de la génération chrétienne elle-même , dont le christianisme tend surtout à s'achever dans une reprise de conscience des lois d'une fraternité humaine totale .
Enrichissement certain dans le sens d'une mise en demeure de réaliser l'amour chrétien aux dimensions mêmes d'une humanité nouvelle .
Cette hantise de l'unité des hommes et de leur fraternité dans l'amour marquera toute spiritualité chrétienne de notre siècle , même la spiritualité contemplative .
Cependant , cette concentration des forces vives du christianisme sur le plan des réalisations institutionnelles et sociales ne va pas sans risques .
Ceux-ci n'ont pas été toujours suffisamment entrevus , et on sent les déviations très proches ou déjà amorcées .
On a déjà signalé cette attitude d'apologétique toute pragmatique , issue souvent d'un complexe d'infériorité du chrétien en face de l'ampleur des visions terrestres du communisme , apologétique qui aboutit trop souvent à ne présenter et à ne retenir de la doctrine du Christ et de l’Évangile , que ce qui peut immédiatement satisfaire le besoin d'unité et de fraternité d'une cité humaine terrestre en quête de paix .


De là à oublier la relativité de notre état et de notre destinée au Christ , 
et du Christ à Dieu-Trinité ,
 ainsi que le caractère théocentrique de toute religion et du monde lui-même , 
il n'y a qu'un pas . 
Il est souvent inconsciemment franchi .

Le monde chrétien moderne risque de perdre le sens de l'Adoration , de la contemplation toute gratuite de la Souveraine Beauté et du Souverain Amour , parce qu'il aura perdu le sens de sa relativité foncière et totale au Christ Verbe Incarné et Fils de Dieu .
On ne sentira plus le besoin de la prière , que pour surélever et vivifier la vie de l'homme .
On le sentira beaucoup moins comme élan spontané d'un amour qui va droit au Créateur de toutes choses et à l'Amour Incarné , au détriment de toute utilité tangible .

On a oublié le sens de la prière pure et gratuite .

Elle apparaît comme une perte de temps au sein d'un monde où la complexité et l'urgence des tâches à réaliser entraîne l'homme dans une véritable débauche de suractivité .


On a moins le sens de la prière , même dans beaucoup de milieux chrétiens , 
et c'est pourquoi l'on a aussi perdu le sens de certaines valeurs 
comme celle du silence et de la séparation du monde pour Dieu ,
 qui sont précisément les ultimes exigences psychologiques 
de toute âme en état de prière et d'adoration .

On parlera moins de Jésus-Christ en tant que Personne distincte , objet personnel d'amour , vivant actuellement auprès de son Père , mais on parlera surtout de la présence mystérieuse du Christ dans l'humanité .
On est plus spontanément porté à se servir du Christ pour guérir une humanité malade , plutôt qu'à servir dans le Christ , l'absolu d'une Personne divine , vers laquelle tout doit finalement converger dans l'amour et l'adoration .


D'où la gêne qu'on éprouve à parler d'un salut personnel .

On préfère aller à Jésus à travers l'homme parce qu'on veut , par-dessus tout , réaliser et combler les aspirations à l'unité et à la paix du monde moderne .

Tout cela est , certes , chrétien.
Une telle attitude , comme je l'ai déjà dit , marquera la spiritualité du siècle et conférera son visage propre à la prière même du contemplatif , dans la mesure où celui-là restera un vivant vraiment inséré dans sa génération .
Cependant , ce serait extrêmement grave 
 - grave au point que le christianisme ne serait plus 
ce que Jésus a voulu le faire - 
si nous en venions à mettre l'accent exclusivement
 sur cette recherche du Christ à travers et pour notre frère .

Loin de moi la pensée d'opposer les deux mouvements de l'Amour , dont les termes sont Dieu et nos frères .
Mais n'oublions pas que ce n'est pas de n'importe quel amour que nous parle saint Jean .


Il s'agit d'aimer avec ce que l'Apôtre vierge
 a senti dans le Coeur même du Christ ,
 et un tel amour ne peut exister réellement 
sans avoir la propriété de nous porter
 - à travers silence et séparation du créé -
 vers Jésus , Fils de Dieu , 
dans l'adoration et la prière gratuite qui sont le terme 
de tout amour pour Dieu .


C'est notre don à Jésus , tel qu'il est , en sa Personne même , 
qui est premier 
,et si nous trouvons Jésus en son Corps mystique que sont nos frères ,
 c'est précisément parce que nous avons trouvé Jésus Vivant.

En tout chrétien doit exister ce double mouvement - au moins à l'état naissant - d'une charité encore vagissante .
Dans le chrétien ordinaire , l'un ou l'autre mouvement prédominera , mais sans déchirement , sans écartèlement intérieur .
On aura les deux types , actifs ou contemplatifs.
On ne doit pas opposer , certes , contemplation et action comme on le fait trop souvent , mais il faut bien reconnaître des types de chrétiens et des vocations différentes .
Chez les saints , la tension entre les deux exigences d'amour est telle , qu'il y a constamment au fond de leur âme , l'écartèlement douloureux entre ciel et terre , signe certain d'une plénitude totale d'amour pour Dieu et pour les hommes .
Cet écartèlement est , en notre humanité brisée , comme me retentissement de l'écartèlement infiniment mystérieux et paisible que produisit , en l'âme de Jésus Fils de l'homme et rédempteur , l'absolue clarté d'amour de la vision béatifique .

R.VOILLAUME




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