Tout d'abord , la fraternité chrétienne n'est pas un idéal humain , mais une réalité donnée par Dieu ;
et ensuite , que cette réalité est d'ordre spirituel et non pas d'ordre psychique .
Dieu hait la rêverie pieuse ,
car elle fait de nous des êtres durs et prétentieux .
Elle nous fait exiger l’impossible de Dieu ,
des autres et de nous-mêmes .
Au nom de notre rêve ,
nous posons à l'Eglise des conditions et
nous nous érigeons en juges sur nos frères
et sur Dieu Lui-même .
Notre présence est pour tous comme un reproche perpétuel .
Nous ressemblons à des gens qui pensent
qu'ils vont pouvoir enfin fonder
une vraie communauté chrétienne et
qui exigent que chacun partage l'image qu'ils s'en font .
Et quand les choses ne vont pas comme nous le voudrions ,
nous parlons de refus de collaborer ,
quitte à proclamer que l'Eglise s'écroule
lorsque nous voyons notre rêve se briser .
Nous commençons par accuser nos frères ,
puis Dieu , puis , en désespoir de cause ,
c'est contre nous-mêmes que se tourne notre amertume .
Il en va tout autrement
quand nous avons compris que
Dieu Lui-même a déjà posé le seul fondement
sur lequel puisse s’édifier notre communauté et que
, bien avant toute démarche de notre part ,
Il nous avait liés en un seul corps à l'ensemble
des croyants par Jésus-Christ ;
car alors , nous acceptons de nous joindre à eux ,
non plus avec nos exigences ,
mais avec des coeurs reconnaissants et prêts à recevoir .
Nous remercions Dieu de ses bienfaits .
Nous Le remercions de nous donner des frères qui ,
eux aussi , vivent de son élection ,
de son pardon et sous sa promesse .
Nous ne songeons plus à nous plaindre
de ce qu'Il nous refuse ,
et nous Lui rendons grâces de ce
qu'Il nous donne chaque jour .
Il nous donne des frères appelés à partager
notre vie faillible et inquiète
sous la bénédiction de sa grâce .
Que nous faut-il de plus ?
Ne nous donne-t-Il pas tous les jours ,
même aux plus difficiles et aux plus menaçants
cette présence incomparable ??
De la vie communautaire Dietrich Bonhoeffer